SEPTEMBRE 2015

EDITORIAL

Deux visions des soins de support : celle des Sciences Humaines et Sociales et celle de cancer et activité professionnelle.


Dans l’Edito AFSOS info n°3, Florence Barruel a abordé la question : le temps est venu de re-définir les soins de support. Cela montre que les soins de support sont une discipline vivante. Et bien, nous allons de tenter de convaincre qu’on peut encore envisager d’étendre leur domaine de compétence au service des patients atteints de cancer.


La médiation interculturelle


Le troisième plan cancer a précisé un certain nombre d’objectifs qui ont retenu notre attention. Le sous-titre du 3ème plan cancer est le suivant : « Guérir et prévenir les cancers: donnons les mêmes chances à tous, partout en France » Voici quelques extraits du document original : « Les données épidémiologiques sont explicites en ce qui concerne les inégalités sociales de santé en termes de mortalité et de durée de survie : la catégorie sociale est un facteur réellement discriminant tout au long d’un gradient social progressif des plus démunis aux plus aisés… De nombreuses analyses documentent également les inégalités territoriales au sein de la métropole et des territoires d’Outre-mer. Qu’ils soient induits par des déséquilibres dans les équipements sanitaires ou la démographie médicale ou par des choix d’organisation moins pertinents, ces écarts entre territoires sont également manifestes dans les prises en charge (délais, accès aux techniques innovantes, aux nouvelles thérapeutiques…). S’attaquer aux inégalités territoriales, sociales, culturelles de santé est donc un enjeu majeur. Bien que justiciables de certaines actions spécifiques les DOM relèvent cependant le plus souvent de mesures générales de réduction des inégalités sociales ou territoriales. C’est ce qui explique qu’une approche centrée sur les DOM n’ait pas été retenue dans le Plan, mais que chaque fois que cela était pertinent, une attention particulière leur soit accordée ».


Néanmoins ces constats tiennent peu compte d’une dimension culturelle qui est aussi bien valable dans les DOM et les TOM que dans la France métropolitaine. Il y a bien entendu des biais de confusion comme le lieu de vie, l’environnement social, la pauvreté et la dimension culturelle. Mais cette dernière garde toujours une spécificité qui déborde les aspects médico-sociaux et touche au vécu, à la connaissance, à l’accès à l’information. A contrario la dimension culturelle peut permettre à la personne d’avoir ses propres solutions au problème du cancer, fait que l’on ignore en général et dont on doit tenir compte à tous les niveaux de la prise en charge du cancer : diagnostic, traitement, prise en charge, prévention, dépistage, etc.La consultation d’annonce a été pensée pour des français métropolitains possédant une certaine qualité du langage et de l’écrit, plutôt urbains et éduqués
Il est nécessaire de penser une approche réaliste compréhensible par la population réelle de la France et de ses composantes les plus variées.


Cancer et activité professionnelle.


Relisons aussi le 3ème plan cancer. Diminuer le nombre de cancers d’origine professionnelle est un objectif affiché : « La part des cancers attribuable à des expositions professionnelles est estimée entre 4 à 8,5 %, ce qui représente en France entre 14 000 et 30 000 nouveaux cas par an (sur les 355 000 nouveaux cas de cancers estimés en 2012), dont la moitié correspond à des cancers à létalité élevée. Par ailleurs, en 2010, 2,2 millions de salariés ont été exposés à au moins un produit chimique cancérogène et ces expositions sont plus fréquentes chez les jeunes et chez les hommes. » Il est donc décidé : 


  • Action 12.1 : Renforcer la prévention primaire en milieu de travail pour réduire l’exposition aux agents cancérogènes (biologiques, physiques, chimiques). De nombreuses mesures sont inscrites dans cette action, mais elles ne sont plus orientées vers l’encadrement des métiers et de leur exercice.
  • Action 12.3 : Améliorer l'identification des cancers d’origine professionnelle pour permettre leur reconnaissance en maladie professionnelle.
    • Faciliter le recours à une expertise pour le diagnostic étiologique de pathologies d'origine professionnelle via les centres de consultations de pathologies professionnelles.
    • Mieux informer les salariés ayant été exposés à des CMR sur leurs droits en matière de reconnaissance des maladies professionnelles, de suivi médical post exposition ou post professionnel.

Des expériences ont été mises en place. Néanmoins il apparait nécessaire de mettre en Ĺ“uvre une politique d’accessibilité à la reconnaissance des cancers professionnels d’une part mais aussi de une aide aux personnes atteintes de cancer d’origine professionnelle.



Ces deux sujets ont retenu l’attention des membres de l’AFSOS. Ainsi deux groupes experts (GEX) ont été constitués.



La session de communications libres a démontré une recherche en soins de support dynamique et ambitieuse, reflétée par le niveau élevé des présentations et également des posters.


Médiation interculturelle.


Les objectifs fixés sont :
Définir les procédures nécessaires à l’établissement d’une médiation interculturelle comme aide à la réalisation de la Consultation d’Annonce (CA) et du Plan Personnalisé de Soins (PPS) dans les populations Afro-Américaines (dont Afro-Antillaises) et Africaines de métropole et des DOM-TOM et dans les autres populations de culture non africaine. Il s’agira de proposer des informations et une méthodologie qui répondent aux questions suivantes :

  • Comment mettre en place une consultation de médiation interculturelle.
  • Indication de l’orientation vers une consultation de médiation interculturelle.

On envisagera une application pratique pour le cancer de la prostate.
Derrière cet aspect méthodologique il est envisagé de réfléchir sur le contenu même de l’information de la CA et du PPS dans ce cadre.


Cancers professionnels


Les objectifs fixés sont :
Définir les procédures nécessaires à l’établissement d’une consultation de maladies (cancer) professionnelles. On proposera des informations et une méthodologie qui répondent aux questions suivantes :

  • Comment mettre en place une consultation de cancers professionnels
  • Indication de l’orientation vers une consultation de cancers professionnels

Dans ce travail l’activité professionnelle après le cancer n’est pas incluse car elle relève d’autres groupes de travail. Cependant l’interaction sera inévitable. Elle permettra de plus d’établir des ponts entre cancérologues et médecins de pathologie professionnelle.


Ces deux axes de travail considèreront également des aspects de recherche appliquée. La médiation interculturelle fera l’objet de demande de financement pour des protocoles orientés Sciences Humaines et Sociales de différents organismes. L’axe cancers professionnels sera plus orienté vers l’épidémiologie et l’analyse de pratiques (après mise en place des consultations).


Nous espérons ainsi élargir le domaine d’action de l’AFSOS pour aborder de manière approfondie ce qui entoure la prise en charge du cancer, en sus des prises en charges plus médicales des soins de support.


Par Jean-Pierre Droz,
Professeur émérite d’oncologie médicale, Université Claude-Bernard Lyon1
Consultant Unité Cancer Environnement, centre Léon-Bérard Lyon,
Consultant réseau ONCOGUYANE (Cayenne)
PHC centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais à Saint-Laurent du Maroni
Membre du Conseil d’Administration de l’AFSOS